Surveillance épidémiologique

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La surveillance épidémiologique comporte la mesure de l’incidence et de la mortalité des maladies, la description des caractéristiques des sujets atteints, l’analyse des tendances spatio-temporelles, la détection de phénomènes anormaux, etc.

Les différentes fonctions de la surveillance épidémiologique sont illustrées dans le cadre de la surveillance des maladies à prévention vaccinale et, plus largement, de la gestion des programmes de vaccination. Les données de surveillance épidémiologique sont indispensables, au moment de la mise sur le marché de nouveaux vaccins, pour décider de la pertinence et des modalités de leur intégration dans le calendrier vaccinal. Au stade du suivi des programmes de vaccination mis en œuvre, les données de surveillance épidémiologique permettent de s’assurer de leur efficacité et d’adapter, le cas échéant, les stratégies vaccinales en fonction des résultats observés.

Évaluation a priori d’un programme vaccinal

Comme tout médicament, les vaccins sont soumis à une procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM) permettant d’en garantir la qualité, la sécurité et l’efficacité. L’obtention de l’AMM ne donne cependant pas d’indication sur l'intérêt du produit comme outil potentiel d'une stratégie de santé publique. Les pays industrialisés ont mis en place, selon des modalités très proches, un processus d’expertise spécialisé en vaccination, chargé de faire des recommandations aux autorités de santé sur la place qu’il convient de donner à un nouveau vaccin au sein du calendrier vaccinal. Les paramètres à prendre en compte pour décider d’une éventuelle introduction d’un nouveau vaccin dans le calendrier vaccinal concernent le vaccin (son efficacité, son profil de tolérance, ses modalités d’administration, son coût, etc.) et la maladie et ses caractéristiques épidémiologiques (poids en termes de mortalité, morbidité et séquelles graves, identification des populations les plus à risque, définies en fonction de leur âge, profession, mode de vie ou état de santé).

L’estimation de la réduction du fardeau de la maladie que l’on peut attendre de la mise en œuvre de la vaccination, grâce à la protection des sujets vaccinés est simple : elle repose sur l’estimation de la couverture vaccinale que l’on pense pouvoir atteindre et sur les données disponibles concernant l’efficacité de la vaccination. Cependant, elle ne suffit pas à répondre à la question de la modification de l’épidémiologie de la maladie qu’induira la vaccination.

En effet, la vaccination est une mesure de prévention primaire proposée à un nombre important de sujets qui va avoir, au-delà de son effet direct de protection du sujet vacciné, des effets populationnels indirects. Ces effets, qui constituent ce que l’on appelle l’immunité de groupe, sont liés, pour les maladies à transmission strictement interhumaine, à la réduction des sources de contamination pour les sujets non protégés par la vaccination, induite par la diminution du nombre de cas chez les vaccinés.

Le principal effet bénéfique qui en résulte est une diminution de l’incidence supérieure à celle attendue sur la seule base de la couverture vaccinale, permettant ainsi d’éliminer une maladie sans atteindre 100% de couverture. Cependant, cette réduction de la circulation de l’agent pathogène peut avoir des effets préjudiciables.

En effet, la probabilité que les sujets non vaccinés ou non protégés malgré la vaccination rencontrent un cas susceptible de les contaminer diminue lorsque la couverture vaccinale augmente, et ils resteront donc plus longtemps réceptifs à la maladie. Si le niveau résiduel de circulation de l’agent infectieux est suffisant pour qu’ils finissent par être un jour au contact d’un cas, l’âge moyen auquel ils feront la maladie sera plus élevé qu’avant la mise en œuvre du programme de vaccination. Pour une maladie dont la gravité augmente avec l’âge de survenue, les cas seront certes moins nombreux qu’à l’ère pré-vaccinale mais plus souvent sévères.

Des travaux de modélisation mathématique de l’impact de la vaccination sur l’épidémiologie de la maladie permettent souvent d’anticiper de tels effets. Ils nécessitent de disposer de données détaillées sur l’épidémiologie pré-vaccinale de la maladie, son histoire naturelle, les modalités de sa transmission dans la population en fonction de paramètres sociodémographiques afin de pouvoir paramétrer correctement le modèle mathématique.

Ainsi, les résultats d’un travail de modélisation de l’impact de la vaccination des enfants contre la varicelle ont montré un risque d’augmentation de l’incidence de la maladie chez l’adulte et ont contribué à la recommandation du Haut Conseil de la santé publique en juillet 2007 de ne pas généraliser la vaccination des nourrissons contre la varicelle.

Les modalités de surveillance

Toutes les maladies pour lesquelles il existe une obligation ou une recommandation de vaccination généralisée doivent faire l’objet d’une surveillance épidémiologique permettant d’évaluer l’impact de la mise en œuvre de cette politique vaccinale. La surveillance épidémiologique ne se résume pas à la déclaration obligatoire (DO). Le tableau ci-dessous illustre les modalités actuelles de surveillance des maladies pour lesquelles une vaccination est incluse dans le calendrier vaccinal.

Modalités de surveillance des maladies évitables par la vaccination (en complément des données de mortalité), en France.

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La DO concerne la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la rougeole et l’hépatite B. Les autres maladies sont surveillées par des réseaux de praticiens sur la base d’une participation volontaire :

  • les oreillons et syndromes grippaux sont surveillés par le réseau Sentinelles constitué de médecins généralistes et de pédiatres libéraux (Inserm et Université Pierre et Marie Curie - UMRS 1136) ;
  • les infections rubéoleuses durant la grossesse sont suivies par un réseau de laboratoires de virologie (Renarub). Pour chaque cas identifié, des informations complémentaires sont recueillies auprès du clinicien qui suit la femme ;
  • les entérovirus sont également suivis par un réseau de laboratoires de virologie, avec parmi les objectifs principaux de cette surveillance, la certification de l’absence d’identification de virus de la poliomyélite ;
  • les coqueluches hospitalisées sont suivies par un réseau sentinelle pédiatrique hospitalier associant cliniciens et bactériologistes (Renacoq) ;
  • les infections à Haemophilus influenzae b et les infections invasives à pneumocoque sont suivies par un réseau de laboratoires de microbiologie hospitaliers (Epibac).

Les modalités de surveillance d’une maladie soumise à un programme de vaccination doivent s’adapter aux modifications de l’épidémiologie de la maladie, induites par la mise en œuvre du programme de vaccination.

À titre d’exemple, la rougeole a fait partie des maladies à déclaration obligatoire jusqu’en 1986. À cette date, il a été décidé de la retirer de la liste au vu des faibles performances de cette surveillance. La rougeole a alors été suivie par les médecins généralistes du réseau Sentinelles. En effet, cette modalité de surveillance paraissait mieux adaptée au suivi d’une maladie encore fréquente. Elle a permis de mesurer l’impact de la vaccination rougeoleuse. Cependant, dans le contexte de diminution importante de l’incidence de la rougeole, la surveillance par le réseau Sentinelles est apparue inadaptée au début des années 2000. En effet, elle ne permettait pas d’identifier les chaînes de transmission résiduelles, identification indispensable dans le cadre de l’objectif d’élimination de la maladie. La rougeole a été réinscrite sur la liste des maladies à déclaration obligatoire en 2005.

La plupart de ces maladies bénéficient également d’un centre national de référence (CNR). Il s’agit le plus souvent de laboratoires de recherche. Au nombre d’une quarantaine, dont près de la moitié au sein de l’Institut Pasteur, ils sont généralement spécialisés dans un agent pathogène précis. Leur mission est multiple : contribution à la surveillance épidémiologique à partir des informations cliniques accompagnant les prélèvements, alerte par l’identification de cas groupés liés à un agent unique, expertise par l’étude des souches et les activités de typage.

Utilisation des données de surveillance pour modifier le calendrier vaccinal

Après qu’une vaccination ait été intégrée dans le calendrier vaccinal, les données de surveillance épidémiologique sont analysées régulièrement, chaque année le plus souvent, afin de s’assurer que l’impact de la vaccination est conforme aux objectifs fixés et d’adapter, si besoin, la stratégie vaccinale à l’évolution de l’épidémiologie de la maladie.

À titre d’exemple, les données de surveillance de la coqueluche ont montré que les principaux contaminateurs des cas de coqueluche survenant chez des nourrissons de moins de 5 mois étaient les parents et la fratrie. Cette analyse a conduit à l’introduction, dans le calendrier vaccinal 2004, de la stratégie de vaccination familiale (dite du « cocooning ») consistant à vacciner, durant la grossesse, les membres de la fratrie non à jour de leur vaccination contre la coqueluche ainsi que le père et, à l’accouchement, la mère.

Études séro-épidémiologiques

Les études séro-épidémiologiques constituent un appoint important aux données de surveillance épidémiologique et de couverture vaccinale : elles permettent d’estimer la proportion de sujets réceptifs dans la population. Elles fournissent une information instantanée sur le profil immunologique de la population et permettent de mettre en évidence les poches de réceptivité, information utile à la mise en œuvre d’actions de rattrapage ou d’ajout d’un rappel vaccinal. Les études séro-épidémiologiques ont cependant des limites : diversité des méthodes de titrage des anticorps dont les performances peuvent varier, absence de définition d’un seuil de protection pour certaines maladies ou encore non-corrélation entre absence d’anticorps et réceptivité. 

La surveillance épidémiologique constitue un pilier essentiel de l’élaboration et du suivi de la politique vaccinale. Au-delà de la mesure du bénéfice direct lié à la protection des sujets vaccinés, l’anticipation des conséquences épidémiologiques de l’introduction d’un nouveau vaccin, prenant en compte les effets indirects d’immunité de groupe, est un déterminant essentiel de la décision d’introduction dans le calendrier vaccinal.

Une fois qu’une vaccination est mise en œuvre, la surveillance épidémiologique permet d’en évaluer l’impact mais également de pouvoir proposer d’éventuelles adaptations du calendrier aux modifications de l’épidémiologie de la maladie induites par la vaccination. Les modalités de la surveillance doivent également s’adapter au niveau de contrôle atteint. Une composante biologique est parfois indispensable pour évaluer l’impact de la vaccination sur la modification de l’écologie du germe concerné.

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