Perception et adhésion à la vaccination en France

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De nombreuses enquêtes menées au cours des quinze dernières années mettent en évidence un questionnement de plus en plus important autour de la vaccination, aussi bien dans la population générale que chez les professionnels de santé.

Enquêtes en population générale 

Les Baromètres santé
Créés en 1992 par le CFES (Comité français d’éducation pour la santé), poursuivis par l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé), puis par Santé publique France, les baromètres santé sont des enquêtes déclaratives répétées visant à suivre les principaux comportements, attitudes et perceptions liés à l’état de santé de la population résidant en France : tabagisme, alcoolisation, pratiques vaccinales, comportement sexuel, dépistage des cancers, pratique d’une activité physique, qualité de vie, etc.
Ce dispositif repose sur des échantillons constitués par sondage aléatoire à deux degrés (tirage d’un ménage puis d’un individu) et des interviews réalisées par téléphone. Les numéros de téléphones fixes et mobiles sont désormais générés aléatoirement afin de pouvoir interroger les ménages et individus absents des annuaires téléphoniques.
Par leur protocole, la grande taille des échantillons, leur répétition dans le temps et leur caractère multithématique, les Baromètres santé offrent de précieuses données de cadrage et constituent une base pour la réflexion autour des actions à engager, de la mise en place des campagnes de prévention et de promotion de la santé.

Adhésion générale à la vaccination

Les baromètres santé permettent de suivre, depuis près de vingt ans, l’adhésion à la vaccination des personnes résidant en France métropolitaine. Après le Baromètre santé réalisé en 2016 [1], la dernière vague réalisée en 2017 montre que parmi les 6335 personnes interrogées sur ce sujet, plus de trois personnes sur quatre ont une opinion favorable sur la vaccination en général (un quart étant « très favorables » et la moitié « plutôt favorables »).
Au regard des enquêtes réalisées depuis le début des années 2000, on observe une baisse de l’adhésion à la vaccination (figure 1). Par ailleurs, près de 40% des personnes interrogées en 2017 déclarent être défavorables à certaines vaccinations. Cette proportion est loin d’être négligeable parmi ceux qui déclarent être « très » ou « plutôt favorables » au principe de la vaccination puisqu’elle est proche de 30% chez ces derniers.
Ainsi, si globalement le principe de la vaccination n’est pas remis en cause, les réticences vis-à-vis de certains vaccins sont très nettes.

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Adhésion selon la nature des vaccinations

La vaccination contre la grippe saisonnière est la vaccination qui recueille le plus d’opinions défavorables en 2017 (14,1% de l’ensemble des personnes interrogées âgées de 18 à 75 ans) devant la vaccination contre l’hépatite B (11,2%) et la vaccination contre les infections à papillomavirus humains (4,9%). Les vaccinations qui concernent spécifiquement les nourrissons (DTP, ROR, pneumocoque, méningocoque C) suscitent peu de réticences. La proportion de personnes défavorables à toute vaccination est limitée (2,2%) et stable depuis les dix dernières années.

Le profil des personnes se déclarant défavorables à la vaccination est différent selon la nature des vaccinations. Les réticences vis-à-vis de la vaccination contre la grippe saisonnière s’expriment plus chez les adultes de 25-49 ans, celles vis-à-vis de la vaccination contre l’hépatite B plutôt chez les personnes âgées de 35 à 64 ans et les personnes aux revenus les plus élevées ; les personnes se déclarant défavorables aux vaccinations contre les infections à HPV sont, quant à elles, avant tout des femmes et des personnes les plus diplômées. Déclarer être défavorable à toute vaccination est retrouvé plus particulièrement chez les hommes.

Disparités régionales

L’adhésion à la vaccination présente des variations régionales assez marquées : les personnes résidant dans le sud de la France se déclarent, en 2017, plus défavorables que les autres (figure 2). Par ailleurs, une enquête réalisée en 2014 dans les départements ultramarins hors Mayotte (Baromètre santé DOM 2014) indique que la perception de la vaccination est meilleure qu’en France métropolitaine, tout particulièrement en Guyane.

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Perceptions des parents

Dans l’enquête Baromètre santé 2016 [1], abordant la thématique de la vaccination de manière approfondie, les parents d’enfants de 1 à 15 ans se déclarent plus favorables à la vaccination en général que les personnes n’étant pas parents d’enfants de 1 à 15 ans – inclus les personnes n’ayant pas d’enfant et celles ayant des enfants d’âge inférieur à 1 an ou supérieur à 15 ans – (OR ajusté sur l’âge, le sexe, le diplôme, les revenus et la région = 1,2 ; p<0,01). Ils sont moins réticents à l’ensemble des vaccinations (OR ajusté = 0,7 ; p<0,05), ainsi qu’aux vaccinations obligatoires DTP (OR ajusté = 0,5 ; p<0,05). À l’inverse, ils sont plus défavorables aux vaccins contre l’hépatite B (OR ajusté = 1,2 ; p<0,05), contre les papillomavirus humains (OR ajusté = 1,3 ; p<0,05), ainsi qu’au vaccin BCG (OR ajustés = 1,8 ; p<0,01) — probablement à cause d’une exposition plus forte aux polémiques médiatiques concernant les deux premiers vaccins cités et par l’expérience d’effets indésirables fréquents pour le troisième (« BCGite »).
Une certaine hésitation à la vaccination est donc observée en 2016 de la part des parents : 26 % déclarent avoir déjà refusé un vaccin recommandé pour leur enfant car ils jugeaient le vaccin dangereux ou inutile, 17% disent avoir déjà retardé un vaccin recommandé par le médecin car ils hésitaient à faire vacciner leur enfant et plus d’un quart (27%) disent avoir déjà accepté un vaccin tout en ayant des doutes sur son efficacité.

Focus sur l’obligation vaccinale
Concernant l’obligation vaccinale, les résultats du Baromètre santé 2016 montrent que si la vaccination contre le DTP n’était plus obligatoire, la majorité des parents (86,4%) continuerait à faire vacciner leur(s) enfant(s) ; ce constat rejoint les résultats de l’enquête Nicolle menée en 2006 [6], qui indiquaient qu’en cas de suppression de l’obligation vaccinale pour le DTP, 79 % de la population considéraient « qu’il serait très important de continuer à vacciner tous les enfants contre ces maladies », 2% « qu’il n’y aurait plus besoin de faire vacciner les enfants contre ces maladies », alors que 18% se retrouvaient plutôt dans l’affirmation « chaque famille pourra choisir si elle souhaite ou non vacciner ses enfants contre ces trois maladies ». En 2016, les parents qui seraient les moins enclins à faire vacciner leur(s) enfant(s) sont ceux qui disposent des revenus les plus bas, ceux qui s’informent exclusivement sur Internet et ceux qui consultent un médecin homéopathe ou acupuncteur pour leur(s) enfant(s).

Sources d’information des parents

Le médecin est la source d’information principale des parents (81% déclarent se tourner vers ce professionnel de santé lorsqu’ils recherchent de l’information sur la vaccination de leur enfant) et est également perçu comme la plus fiable (95% déclarent lui faire « tout à fait » ou « plutôt » confiance). Plus d’un tiers des parents se tournent vers Internet pour la recherche d’information, un cinquième vers un proche et un sur huit se renseigne auprès d’un pharmacien.

Le Baromètre santé 2016 a montré un lien fort entre le fait de consulter Internet et une moindre pratique de la vaccination : quand Internet est une des sources d’information des parents, il y a davantage de risques que leurs enfants n’aient pas reçu certaines vaccinations (notamment la vaccination ROR). Ce lien est majoré quand Internet est l’unique source d’information.

Perception de la sécurité des vaccins

Les différentes polémiques concernant les vaccins contre l’hépatite B en 1998, contre la grippe A(H1N1) en 2009 et contre les HPV en 2013, ont contribué à mettre en doute l’innocuité des vaccins par une part importante de la population française.

Une enquête de 2016 menée dans 67 pays [2] a ainsi montré qu’en France, si l’efficacité des vaccins est largement reconnue, plus de deux personnes interrogées sur cinq déclarent que les vaccins ne sont pas sûrs. Une enquête (non publiée) réalisée par l’Inpes et BVA en 2011, auprès d’un échantillon national représentatif de la population âgée de 18 ans et plus, montrait déjà que pour une partie non négligeable de la population, le processus de fabrication des vaccins et les procédures de développement et d’autorisation de mise sur le marché étaient peu connus. Ainsi, 38% des personnes interrogées déclaraient « ne pas savoir comment marche un vaccin » ; 31% des personnes interrogées n’adhéraient pas à la proposition « les vaccins sont systématiquement testés pour s’assurer qu’ils sont sans risque » ; et 35% n’étaient pas d’accord avec celle-ci : « si un vaccin est dangereux, les essais cliniques permettent de le savoir ».Enfin, 42% ne faisaient pas confiance à l’information fournie par les autorités sanitaires concernant la sûreté des vaccins.

Enquêtes auprès des professionnels de santé

L’épisode de la pandémie grippale en 2009-2010 a confirmé que la confiance en la vaccination pouvait être fragilisée aussi bien chez les patients que chez les professionnels de santé.

Enquête panel de médecins généralistes

La première vague du panel 3 de médecins généralistes de ville (Drees, ORS Paca, URPS, Inpes), réalisée début 2014 auprès de 1582 professionnels de santé [3], indique que ceux-ci sont très majoritairement favorables à la vaccination (97 % des médecins dont près 80 % « très favorables » et 17 % « favorables »). Pourtant, certains médecins ne se sentent pas à l’aise pour informer leurs patients sur certains aspects de la vaccination, parmi lesquels se trouve le rôle des adjuvants (près de six médecins sur dix déclarent ne pas se sentir à l’aise) et la sécurité des vaccins (près d’un sur cinq). Près d’un quart des médecins émettent des doutes concernant les risques et l’utilité de certains vaccins et proposent de manière moins fréquente ces vaccins pourtant recommandés à leur patientèle.

Le niveau de recommandation par les médecins diffère selon le type de vaccin : ainsi, si 60% des médecins déclarent toujours recommander la vaccination ROR aux adolescents non immunisés et la vaccination contre la grippe saisonnière pour les adultes diabétiques de moins de 65 ans, ils sont seulement 45% à recommander systématiquement la vaccination HPV pour les filles de 11 à 14 ans et un tiers à recommander les vaccinations contre l’hépatite B et contre le méningocoque C en rattrapage.

Quant à leurs pratiques personnelles, 72% des médecins interrogés déclaraient, en 2014, s’être fait vacciner contre la grippe saisonnière l’hiver précédent l’enquête, et près de 90 % déclaraient être complètement vaccinés contre l’hépatite B.

Enquête Sofres/Inpes

Une enquête qualitative menée par l’Ifop et l’Inpes en 2016 auprès de différents professionnels de santé (médecins généralistes, pédiatres, pharmaciens, sages-femmes et infirmiers) [4] confirmait leur volonté d’être « les fers de lance de la vaccination ». Les infirmiers et sages-femmes interrogés dans le cadre de ces entretiens individuels faisaient part, à la fois, d’un manque de formation sur le sujet et d’un souhait de rester un peu en retrait, et de ne pas nécessairement assumer toutes les responsabilités dévolues aux médecins.

Concernant l’obligation vaccinale, la très grande majorité des médecins généralistes de la région Provence–Alpes–Côte d’Azur (92%) se déclare favorable à l’obligation vaccinale et près d’un quart en faveur de l’élargissement de la liste des vaccins obligatoires. En 2014, 24% des médecins généralistes exerçant en France métropolitaine s’exprimaient déjà pour une généralisation de l’obligation à tous les vaccins du calendrier (panel MG de la Drees [3] et en Paca [7]).

L’enquête qualitative Ifop de 2016 indique que dans un contexte d’augmentation des réticences vis-à-vis de la vaccination en général ou de certains vaccins spécifiques, les professionnels de santé considèrent l’obligation comme un rempart important pour préserver la santé publique : ils s’y montrent attachés et craignent que sa remise en cause n’induise une baisse drastique de la couverture vaccinale, entraînant des drames individuels et collectifs. La suppression de cette obligation pourrait aussi signifier pour les professionnels de santé un désengagement de l’État.

Bibliographie

[1] Gautier A., Chemlal K., Jestin C. et le groupe Baromètre santé 2016. Adhésion à la vaccination en France : résultats  du Baromètre santé 2016. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire. 2017 ; Hors-série Vaccination : p. 21-27.

[2] Larson H.J., de Figueiredo A., Xiahong Z., Schulz W.S., Verger P., Johnston I.G., et al. The state of vaccine confidence 2016: global insights through a 67-country survey. EBioMedicine. 2016; 12: p. 295-301.

[3] Collange F., Fressard L., Verger P., Josancy F., Sebbah R., Gautier A., et al. Vaccinations : attitudes et pratiques des médecins généralistes. Etudes & Résultats. mars 2015 ; n° 910 : p. 1-8.

[4] Fischer A. (dir.). Rapport sur la vaccination. Comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination. Paris : ministère des Affaires sociales et de la Santé ; 2016 : 502 p. En ligne : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/164000753.pdf

[6] Gautier A., Jauffret-Roustide M., Jestin C. (dir.). Enquête Nicolle 2006 : connaissances, attitudes et comportements face au risque infectieux. Saint-Denis : Inpes, coll. Études santé ; 2008 : 252 p. En ligne : http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1152.pdf

[7] Collange F., Fressard L., Pulcini C., Launay O., Gautier A., Verger P. Opinions des médecins généralistes de la région Provence–Alpes–Côte d’Azur sur le régime obligatoire ou recommandé des vaccins en population générale, 2015. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire. 2016 ; (24-25) : p. 406-413.