Clinique
Le rotavirus infecte quasiment tous les enfants avant l’âge de 2 ans, quels que soient leur origine, le niveau socio-économique de leur entourage ou les conditions sanitaires du pays. Les manifestations cliniques de l’infection varient en fonction de l’âge du sujet et de l’exposition antérieure au virus, mais les principaux symptômes observés sont le plus souvent la fièvre, la diarrhée et des vomissements. Les enfants de moins de 1 an sont les plus touchés par les formes graves (en nombre de passages aux urgences et d’hospitalisations). En France, les décès restent toutefois exceptionnels.
Chez le nouveau-né et le nourrisson âgé de moins de 3 mois
L’expression clinique de l’infection chez le nouveau-né et le prématuré diffère de celle du nourrisson par la rareté de la diarrhée et de la déshydratation, la fréquence de la distension abdominale et la survenue d’entérocolites ulcéro-nécrosantes et de complications neurologiques centrales (convulsions, encéphalopathies).
En revanche, l’infection du jeune nourrisson âgé de 1 à 3 mois est asymptomatique ou pauci-symptomatique.
Chez le nourrisson à partir de 3 mois et l’enfant
Bien que le rotavirus puisse infecter le nouveau-né et l’adulte, c’est le nourrisson de 6 mois à 2 ans qui représente la cible principale du virus.
Presque tous les enfants sont infectés au moins une fois avant l’âge de 2 ans. L’infection est asymptomatique dans près de 50% des cas. La majorité des formes sévères surviennent au cours de la primo-infection et l’expression clinique de la maladie diminue au cours des réinfections. En France, près d’un enfant sur deux étant nourri au lait de vache, il ne bénéficierait donc pas de la protection contre l’infection à rotavirus conférée par l’allaitement maternel, selon certaines études.
La période d’incubation est d’un à trois jours. Pendant cette période, l’excrétion du virus est précoce et précède les premiers symptômes. Chez l’enfant sans pathologie sous-jacente, l’excrétion virale se prolonge après la disparition des symptômes, parfois plus d’un mois, et proportionnellement à la gravité de la maladie.
L’infection peut être asymptomatique, mais se manifeste le plus souvent par une gastro-entérite aiguë. Le début est souvent brutal. Le tableau associe à des degrés divers une diarrhée, des vomissements et de la fièvre. Le tableau peut aussi comprendre des douleurs abdominales, une asthénie ou des malaises. La maladie est généralement modérée, ce qui permet une prise en charge ambulatoire de la majorité des cas.
Environ un enfant infecté sur cinquante développera une maladie sévère compliquée d’une déshydratation aiguë qui nécessitera une prise en charge en milieu hospitalier. Chez l’enfant hospitalisé pour déshydratation, la fièvre et les vomissements persistent deux à trois jours, et la diarrhée, quatre jours en moyenne. La durée moyenne de l’hospitalisation pour gastro-entérite aiguë est d’environ quatre jours. Les formes sévères incluent des syndromes cholériformes et dysentériques.
La guérison survient spontanément en quatre à sept jours. Chez le nourrisson eutrophique, les fonctions digestives redeviennent habituellement normales en quatre à cinq jours. Le traitement est essentiellement symptomatique et repose avant tout sur les solutés de réhydratation orale (SRO) administrés précocement pour traiter la déshydratation et en prévenir les formes sévères.
Épidémiologie
En France, les épidémies surviennent principalement entre décembre et avril.
Selon les estimations, la gastro-entérite aiguë due au rotavirus serait responsable chaque hiver de près de 60 000 consultations en médecine générale, 28 000 passages aux urgences et 20 000 hospitalisations en France métropolitaine, chez les enfants de moins de trois ans. On estime également que les rotavirus ont été responsables de l’ordre de 3 décès à l’hôpital par an en France entre 2014 et 2019, principalement chez des nourrissons de moins de 1 an. Les rotavirus sont responsables de la moitié des hospitalisations pour gastro-entérites aigues des enfants de moins de trois ans.
La surveillance des souches de rotavirus est effectuée par le CNR (Centre national de référence des virus des gastro-entérites à Dijon). Elle a été réalisée jusqu’ici en dehors de toute pression vaccinale, la vaccination étant très peu réalisée. Ainsi, en France en 2022, 95% des infections à Rotavirus sont causées par les souches de type G1P[8], G2P[4] , G3P[8] , G4P[8] , G9P[8] et G12P[8] Il existe également une forte variabilité́ géographique et saisonnière des génotypes.
L’incidence élevée des infections à rotavirus s’explique par leur haute contagiosité. La principale transmission pour le rotavirus est interhumaine, par voie féco-orale directe ou indirecte par le biais des aliments ou de surfaces contaminées. La transmission intrafamiliale atteint la moitié des enfants du foyer.
Des taux élevés de portage asymptomatique ont été rapportés chez l’enfant. Une excrétion virale de plus de dix jours est habituelle. Un enfant infecté par le rotavirus excrète 100 milliards de particules virales par gramme de selles. La dose infectante est faible : l’ingestion de 100 particules virales suffit à déclencher une infection. La transmission du rotavirus est facilitée dans les crèches et les collectivités de petits enfants : le rotavirus est retrouvé au niveau des couches, des jouets, des paillasses et dans les zones de préparation des repas des enfants. Ce virus peut, en effet, survivre plusieurs semaines voire plusieurs mois sur les surfaces à température ambiante. Sur les mains, il reste viable pendant au moins quatre heures.
L’hygiène des mains et le nettoyage des surfaces doivent être effectués avec des produits efficaces (pour les mains : solutés hydro-alcooliques éventuellement précédés d’un lavage au savon doux en cas de souillure visible ; pour les surfaces : produits détergents-désinfectants adaptés [Norme Française : EN 14476]).
Au total, le portage présymptomatique, la longue durée d’excrétion du virus dans les selles, la résistance dans le milieu extérieur et la grande fréquence des infections inapparentes sont les facteurs expliquant l’importante propagation du virus.
Le rotavirus est isolé principalement pendant l’épidémie d’hiver, où son taux d’isolement atteint 50 à 70% au pic de l’épidémie. Des enquêtes hospitalières françaises ont permis d’évaluer la fréquence du rotavirus dans les gastro-entérites aiguës de l’enfant hospitalisé avant l’ère vaccinale de 22 à 51% des prélèvements des patients hospitalisés. Les infections virales digestives concomitantes sont courantes (de 8 à 18% parmi les patients hospitalisés).
L’épidémie d’infections à rotavirus en période hivernale est en général concomitante de celle des bronchiolites à virus respiratoire syncytial (VRS) et de la grippe. Ceci génère un surcroît d’activité mettant en tension les ressources hospitalières et favorisant la transmission nosocomiale croisée de ces différents pathogènes. En Europe, le rotavirus est l'agent étiologique majeur des diarrhées nosocomiales pédiatriques (31 à 87%). Ces infections nosocomiales sont responsables d’un allongement non négligeable de la durée de séjour des enfants hospitalisés, d’un nombre important de réadmissions et surtout d’un important surcoût hospitalier.
Dans ce contexte, en novembre 2013, le Haut Conseil de la santé publique avait recommandé l'introduction de la vaccination des nourrissons contre les infections à rotavirus sous conditions d'un ratio coût/efficacité acceptable et de la poursuite du suivi renforcé de pharmacovigilance relatif à la notification des invaginations intestinales aigues. En mars 2015, suite à la notification d’effets indésirables graves et de l’évolution défavorable de certains cas rapportés d’invagination intestinale aiguë (décès, prise en charge tardive), le HCSP avait suspendu cette recommandation.
Par la suite, des données complémentaires d’efficacité, d’impact et de tolérance des vaccins en condition réelle d’utilisation dans les pays où le vaccin est recommandé, ont été soumises à l’Agence Européenne du Médicament (EMA). Ces nouvelles données ont confirmé le rapport bénéfice/risque favorable de la vaccination et a abouti à une actualisation des Résumés des Caractéristiques du Produit (RCP) du Rotarix® et du RotaTeq®.