Clinique
Les premiers symptômes apparaissent en moyenne dix jours après le contact infectant. La période de contagiosité débute dans les cinq jours précédant l’éruption et se prolonge cinq jours après.
La rougeole non compliquée se caractérise par quatre phases :
- une incubation de dix jours ;
- une invasion de quatre jours : température de 39-40°C, irritabilité chez le petit enfant, anorexie, catarrhe oculo-nasal, diarrhée, signe de Koplick (énanthème ponctué de petits points blanchâtres et saillants apparaissant sur la face interne des joues et au fond du vestibule inférieur, première manifestation de la rougeole, précédant l’exanthème) ;
- une phase d’état de quatre à cinq jours où l’éruption débute derrière les oreilles, puis gagne de façon descendante tout le corps en trois jours ;
- une évolution en général favorable avec une disparition de la fièvre et de l’éruption en quatre à cinq jours.
Dans tous les cas, le patient reste asthénique pendant plusieurs jours voire semaines après la guérison.
Complications de la rougeole
Les complications de la rougeole sont assez fréquentes et peuvent être graves. Elles sont de quatre ordres :
- surinfections ORL et de l’arbre respiratoire par des pyogènes :
- pneumopathies ;
- laryngite sous glottique ;
- otite purulente moyenne aigue ;
- pneumopathies directement dues au virus ou « poumon rougeoleux » ;
- encéphalite aiguë de la rougeole, survenant à la phase d’état ;
- pan-encéphalite sclérosante subaiguë (PESS) : maladie dégénérative lente du système nerveux central, liée à la persistance du virus morbilleux. Complication tardive, constamment mortelle, survenant quatre à dix ans après la rougeole. Son incidence varie selon l’âge de survenue de la rougeole, compliquant 1 cas sur 100 000 si la rougeole survient après l’âge de 5 ans, mais pouvant aller jusqu’à 18 cas pour 100 000 lorsque la rougeole survient avant l’âge de 1 ans.
La fréquence des complications et la létalité sont plus élevées chez les enfants âgés de moins de 1 an ainsi que chez les sujets âgés de 15 ans et plus.
Diagnostic biologique
Conformément au Plan français d’élimination de la rougeole, un diagnostic clinique de rougeole doit être confirmé par la biologie.
La confirmation biologique de la rougeole repose :
- sur le diagnostic indirect par la recherche d’anticorps anti-rougeoleux dans le sérum ou le liquide buccal (« kit salivaire »). Les kits salivaires sont disponibles auprès des agences régionales de santé (ARS). Ils doivent être transmis au centre national de référence (CNR) Rougeole pour leur exploitation biologique ;
- sur les techniques directes de détection du virus de la rougeole à partir d’échantillons de liquide buccal (« kit salivaire »), respiratoires (aspiration nasale, écouvillonnage rhino-pharyngé), d’urines, et de sang total prélevé pendant la période virémique.
La sérologie rougeole par la recherche des IgM spécifiques est la technique de référence pour le diagnostic de l’infection aiguë. Les anticorps anti-rougeoleux de classe IgM recherchés par une technique de type immunocapture apparaissent dans les trois jours suivant le début de l’éruption et quasiment en même temps que les anticorps de classe IgG, et peuvent persister jusqu’à deux mois après l’éruption. Un seul échantillon sanguin pour la détection d’IgM est généralement suffisant pour le diagnostic. Cependant, la négativité de la recherche d’IgM dans un prélèvement réalisé au cours des trois premiers jours de l’éruption ne permet pas d’éliminer le diagnostic et doit conduire à une nouvelle recherche sur un second échantillon plus tardif. La séroconversion des anticorps anti-rougeoleux de classe IgG entre deux échantillons sanguins prélevés à au moins dix jours d’intervalle permet également de confirmer le diagnostic de rougeole. Cependant, cette méthode diagnostique reste peu adaptée au diagnostic d’une infection aiguë (passage en parallèle et par la même technique des deux sérums).
Les techniques de détection directe du virus utilisées en routine sont des techniques d’amplification de l’ARN viral par RT-PCR après extraction des acides nucléiques. L’ ARN viral peut être détecté dans les prélèvements effectués (cf. ci-dessus), de trois jours avant le début de l’éruption jusqu’à une semaine après. Le génotypage viral, effectué à partir de chaque échantillon positif en RT-PCR, est réalisé de façon systématique par le CNR Rougeole pour le suivi épidémiologique de l’infection au niveau national et mondial dans le cadre de l’OMS. Seul le séquençage avec identification du génotype permet un diagnostic différentiel entre virus sauvage et virus vaccinal, sachant que la souche vaccinale est de génotype A.
L’isolement du virus de la rougeole en culture n’est pas pratiqué en diagnostic de routine ; il peut s’effectuer sur des prélèvements de rhino-pharynx, d’urine et des lymphocytes sanguins au cours des phases d’invasion et éruptive. Un isolat permet le génotypage de la souche.
Depuis le 4 juillet 2005, la rougeole est redevenue une maladie à déclaration obligatoire (DO).
Épidémiologie/Couverture vaccinale
En 2022, à l’échelle mondiale, 74 % des enfants avaient reçu les deux doses du vaccin antirougeoleux et environ 83 % une dose de vaccin antirougeoleux avant leur premier anniversaire. Il est recommandé d’administrer deux doses du vaccin pour assurer l’immunité et prévenir les flambées épidémiques, car tous les enfants ne développent pas une immunité dès la première dose. Selon l'OMS, environ 22 millions de nourrissons en 2022, n’avaient pas reçu au moins une dose de vaccin antirougeoleux dans le cadre de la vaccination systématique.
L’homme est le seul réservoir de virus de la rougeole, et l’on peut espérer éliminer la rougeole d’un pays grâce à une vaccination généralisée voire, à terme, éradiquer la maladie à l’échelle mondiale. Les pays de la région Europe de l’OMS, dont la France, s’étaient fixé un objectif d’élimination de la rougeole en 2010 qui a dû être repoussé à 2020 en raison de la persistance de foyers épidémiques dans de nombreux pays de la région.
En France, avant la mise en œuvre d’une vaccination de routine des nourrissons contre la rougeole, plus de 500 000 cas survenaient en moyenne chaque année. Au début des années quatre-vingt, entre 10 et 30 encéphalites aiguës et un nombre similaire de panencéphalites subaiguës sclérosantes étaient recensées annuellement. Jusqu’en 1988, le nombre de décès dus à la rougeole se situait entre 15 et 30 par an.
À la suite de l’inclusion de la valence rougeole dans le calendrier vaccinal du nourrisson en 1983 et de la mise en œuvre des campagnes de promotion de la vaccination, la couverture vaccinale à l’âge de 2 ans a progressé régulièrement en France mais sans atteindre toutefois les 95% de couverture vaccinale requis pour l’élimination (pour 1 et 2 doses de vaccin). Ainsi, en 2016, cette couverture est de 90,3% pour la première dose et 80,1% pour la seconde dose.
Ces dernières années, la couverture vaccinale contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) s’est nettement améliorée en France quelles que soient les sources considérées (SNDS-DCIR, certificats de santé du 24ème mois, enquêtes ad-hoc). Avec la mise en place de la vaccination obligatoire pour les nourrissons en 2018, l’objectif d’une couverture vaccinale (CV) par le ROR de 95% à l’âge de 2 ans devrait être bientôt atteint, y compris pour la 2nde dose (Figure 11).
Les derniers chiffres de couverture vaccinale disponibles chez les 6-15 ans sont issues d’enquêtes en milieu scolaire conduites par la DRESS, la DGESCO et analysées par Santé publique France. Bien que ces études soient anciennes, elles indiquaient une couverture à deux doses inférieures à l’objectif de 95%.
Ainsi, la couverture vaccinale à deux doses a été estimée :
- à 83,2% chez les enfants en grande section de maternelle âgés d’environ 6 ans (année de naissance 2006-2007) lors d’une enquête réalisée en 2012-2013 ;
- à 93,2% chez les enfants en classe de CM2 âgés d’environ 11 ans (année de naissance 2008- 2009) lors d’une enquête réalisée en 2014-2015 ;
- et à 83,9% chez les adolescents en classe de 3ème âgés d’environ 15 ans (année de naissance 1993-1994) lors d’une enquête réalisée en 2008-2009.
A l’occasion de l’édition 2021 du Baromètre de Santé publique France, la couverture vaccinale contre le ROR a été estimée à 90,4% chez les adultes âgés de 18 à 35 ans en France métropolitaine à partir de données déclaratives. Bien qu’élevée, elle reste inférieure à l’objectif fixé de 95% pour interrompre la circulation du virus de la rougeole.
Cependant, depuis 2022 et particulièrement en 2023, la situation internationale de la rougeole est marquée par une recrudescence des épidémies de rougeole dues à plusieurs années de baisse de la couverture vaccinale contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) constatée après la pandémie de Covid-19. En décembre dernier, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a alerté, sur l’augmentation d’un facteur 30 des cas de rougeole déclarés dans la Zone OMS Euro en 2023 par rapport à 2022 avec près de 30 000 cas de rougeole rapportés entre janvier et octobre 2023 (comparé à 941 au total en 2022) ayant conduit à près de 21 000 hospitalisations et 5 décès.
En France, en 2023, 117 cas de rougeole ont été déclarés, contre 15 en 2022, soit un nombre de cas multiplié par 8.
Afin de poursuivre l’objectif d’élimination du virus de la rougeole, une surveillance épidémiologique continue, les investigations de cas groupés et les efforts de rattrapage vaccinal, notamment des jeunes adultes ou encore de certaines populations éloignées du système de santé insuffisamment vaccinées, restent essentiels pour limiter le risque d’apparition de foyers, d’installation de chaînes de transmission et de reprise épidémique dans les prochains mois, particulièrement lors de la saison printanière
Pour en savoir plus sur l'épidémie de rougeole actuelle : Epidémiologie de la rougeole par Santé publique France.