La vaccination maternelle protège la mère et le fœtus contre certaines infections mais peut aussi assurer une protection passive du nourrisson après la naissance. La vaccination pré-conceptionnelle est le plus souvent préférable mais peut, en particulier pour les vaccins vivants atténués, nécessiter de respecter un délai entre la vaccination et un début de grossesse. Certaines vaccinations sont aussi possibles et indiquées pendant la grossesse ; par exemple, la vaccination anti-grippale est indiquée chez la femme enceinte. D’autres vaccins sont aussi indiqués dans plusieurs situations : voyage imprévu non évitable en zone endémique, contexte épidémique, contexte professionnel, exposition intrafamiliale…
Vaccins sous-unitaires ou inactivés
Le vaccin antigrippal inactivé est recommandé pour toutes les femmes enceintes avant/au début de la saison épidémique, quel que soit le trimestre de la grossesse. Les femmes enceintes et leur fœtus présentent un risque accru de complications liées à la grippe (hospitalisation, avortement, prématurité, retard de croissance intra-utérin). Les nourrissons peuvent être partiellement protégés par les anticorps transférés par voie transplacentaire suite à une vaccination maternelle per partum.
Le vaccin contre la COVID-19 est recommandé au premier trimestre de la grossesse avec un vaccin à ARNm. Les études n'ont pas montré de conséquences néfastes sur le déroulement de la grossesse ou le développement de l'embryon ou du fœtus.
Pour les vaccins poliomyélitique injectable, diphtérique et tétanique, les données cliniques concernant la toxicité embryo-fœtale sont tout à fait rassurantes. Pour la diphtérie, un vaccin à valence réduite est recommandé afin d’éviter les réactions fébriles (dTP). En attendant une éventuelle future recommandation de vaccination contre la coqueluche durant la grossesse, il est préférable de reporter la vaccination dTP jusqu’à la fin de la grossesse et de vacciner la mère immédiatement après l’accouchement avec un vaccin quadrivalent contenant la valence coqueluche (voir ci-dessous).
Pour le vaccin contre la coqueluche, aucune complication particulière n’a été rapportée en cas de vaccination pendant la grossesse. À ce jour, en France, cette vaccination est recommandée aux femmes enceintes (à partir du 2e trimestre et de préférence entre 20 SA et 36 SA). Si la femme n’a pas été vaccinée pendant la grossesse, toute personne susceptible d’être en contact étroit et durable avec le nourrisson au cours de ses 6 premiers mois. Ceci concerne notamment les parents, la fratrie, les grands parents, les baby-sitters.
La prévention de l’infection à VRS peut être faite grâce à la vaccination de la future mère pendant la grossesse. La Direction générale de la santé a préconisé le 27 août 2024 l'administration du vaccin Abrysvo® (Pfizer) à l’ensemble des femmes enceintes d’âge gestationnel compris entre 32 et 36 semaines d’aménorrhées entre le mois de septembre et de janvier. Il est disponible dans les établissements de santé publics et privés, ainsi que dans les officines en ville.
En ce qui concerne les autres vaccins inactivés, les données sont plus hétérogènes.
La vaccination contre l’hépatite B, le méningocoque C conjugué et le pneumocoque, pendant la grossesse, sera adaptée en fonction du rapport bénéfice/risque et en fonction des indications du calendrier vaccinal, en particulier pour les groupes identifiés à risque élevé d’exposition ou de forme grave pendant la grossesse. Aucune complication particulière n’a été publiée pour ces vaccins en cas de grossesse.
Les données sur la vaccination contre le papillomavirus au cours de la grossesse sont encore insuffisantes. Cinq cas d’anomalies congénitales ont été rapportés après vaccination pendant la grossesse (une sténose du pylore, une hydronéphrose congénitale, un mégacôlon congénital, un pied bot et une dysplasie de la hanche) ; l’imputabilité au vaccin n’a pas été retenue par un groupe d'experts. Un registre a été mis en place aux États Unis : les données recueillies ne permettent pas de conclure à l’existence d’un lien de cause à effet entre vaccination contre HPV et malformation congénitale, mais le recueil des évènements se poursuit. La vaccination contre le papillomavirus est donc à différer après l’accouchement.
Aucune complication particulière n’a été rapportée pour les vaccins contre l’hépatite A, la typhoïde et les méningocoques. Ces vaccins peuvent être réalisés pendant la grossesse en fonction des expositions spécifiques à chacune.
Les données publiées chez les femmes enceintes exposées au vaccin contre la rage étant peu nombreuses, il convient d’éviter tout contact avec les animaux dans les zones où la rage est présente et la vaccination post-exposition sera privilégiée.
Il n’y a pas de donnée publiée chez des femmes enceintes exposées aux vaccins contre l’encéphalite japonaise ou l’encéphalite à tiques. Leur utilisation sera donc restreinte aux voyages à risque élevé si le voyage ne peut pas être différé après l’accouchement.
Aucune donnée n’est disponible sur le vaccin contre la leptospirose chez la femme enceinte. La vaccination ne sera donc proposée que dans des situations très particulières après évaluation individualisée du risque.
Vaccins vivants atténués
Ils sont en général contre-indiqués en cours de grossesse devant un risque théorique pour le fœtus (fièvre jaune, oreillons, rougeole, rubéole, tuberculose (BCG), varicelle et zona).
Le vaccin rougeole, oreillons, rubéole est contre-indiqué pendant la grossesse et pendant le mois précédant la conception. Aucun cas de rubéole congénitale lié à la vaccination n’a cependant été rapporté. De même, les données de pharmacovigilance concernant les vaccins contre les oreillons et la rougeole ne montrent pas de risque fœtal ou maternel. En cas de découverte d’une grossesse après une vaccination par le ROR, la femme enceinte peut donc être rassurée.
Une femme dépistée séronégative vis-à-vis de la rubéole à l’occasion de sa grossesse devrait être vaccinée avant sa sortie de la maternité même en cas d’allaitement.
En cas d’exposition d’une femme enceinte, non vaccinée et sans antécédent de rougeole, à un cas de rougeole, la prophylaxie repose sur l’injection d’immunoglobulines polyvalentes.
De même, la vaccination contre la varicelle est contre-indiquée chez la femme enceinte et pendant le mois précédant la conception. Il faut cependant noter que les données épidémiologiques sont rassurantes : ainsi, le registre américain recensant les cas d’administration « par erreur » de ce vaccin au cours de la grossesse n’a pas mis en évidence d’atteinte fœtale ni d’augmentation de l’incidence des malformations. Pour rappel, la vaccination contre la varicelle est fortement recommandée chez les femmes en âge de procréer, notamment celles ayant un projet de grossesse, et sans antécédent clinique de varicelle ; un contrôle sérologique préalable peut être pratiqué.
La vaccination contre la fièvre jaune peut être justifiée en cours de grossesse en cas de séjour en zone d’endémie si le voyage ne peut être reporté. Les données publiées chez les femmes enceintes exposées au vaccin contre la fièvre jaune sont nombreuses et rassurantes. La réponse vaccinale étant moins bonne lorsqu’une femme est primo vaccinée pendant la grossesse, l’administration d’une seconde dose est recommandée dix ans plus tard. L’allaitement doit être suspendu pendant deux semaines après une vaccination contre la fièvre jaune. En effet, des cas d’encéphalite vaccinale ont été rapportés chez des nouveau-nés dont la mère avait été vaccinée contre la fièvre jaune huit jours à un mois auparavant. Une des mères avait présenté des signes cliniques mineurs cinq jours après la vaccination (céphalées et fébricule).
Quel que soit le niveau de recommandation (recommandée ou déconseillée), si la vaccination est justifiée du fait d’un voyage imprévu en zone endémique ou d’un contexte épidémique, elle doit être réalisée.
Une vaccination, quelle qu’elle soit, faite par mégarde chez une femme enceinte avec les vaccins actuellement disponibles, ne justifie pas d’interrompre la grossesse. Les données de pharmacovigilance ne montrent pas d’effet des vaccins vivants atténués sur le fœtus.
Allaitement
En dehors de la vaccination contre la fièvre jaune (voir tableau ci-dessous), il n’y pas lieu de suspendre l’allaitement pour les autres vaccinations.
Tableau des vaccinations autour de la grossesse
Avant la grossesse |
Pendant la grossesse |
En post-partum |
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* en l’absence d’immunité.
** pendant la grossesse et en post-partum : en fonction de l’analyse bénéfice/risque. L’allaitement doit être suspendu pendant deux semaines après une vaccination contre la fièvre jaune.
Pendant la grossesse, la vaccination contre la fièvre jaune de la femme enceinte peut être justifiée lors de séjour en zone d’endémie, et ne doit être envisagée qu’après évaluation du rapport bénéfice-risque. Chez la femme allaitante, la vaccination contre la fièvre jaune doit être reportée tant que le nourrisson n’a pas atteint l’âge de 6 mois, sauf en cas de situation épidémique.
Après la grossesse, la période post natale sera l’occasion de procéder à une mise à jour des vaccinations chez la mère, si elle n’a pu être réalisée avant la grossesse, en particulier pour le vaccin ROR, le vaccin contre la coqueluche et le vaccin contre la varicelle (si indication).
Femmes enceintes ou allaitantes et voyage
Voir Recommandations pour les voyageurs
Bibliographie
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Papillomavirus :
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Pour en savoir plus
Vaccin fièvre jaune, Centre de référence sur les agents tératogènes